Emile ou de l’Education.
Dans Les Confessions, Rousseau a montré l’importance de l’Emile, qui lui a coûté « vingt ans de méditations et trois ans de travail ». Ecrit entre 1757 et 1760, l’ouvrage a été publié la première fois en 1762. A travers cette œuvre, Rousseau expose les principes d’une éducation conforme à la nature. Son objectif est de recréer « l’homme naturel », dont le savoir sera constitué de notions concrètes, utiles pour la vie pratique. L’éducation d’Emile devra s’adapter à ses facultés qui évolueront en fonction de son âge. Par exemple, jusqu’à douze ans, on s’adressera presque exclusivement aux sens, laissant de côté l’éducation livresque. Il s’agit aussi de former le jugement. En effet, Emile sera un jour un chef de famille et un citoyen : les dernières années de son éducation devront le préparer à cette tâche. L’œuvre est divisée en cinq livres, suivant la croissance de l’enfant. Le livre I traite de l’éducation jusqu’à cinq ans, le deuxième de cinq à douze ans, le troisième de douze à quinze ans et le quatrième de quinze à vingt ans. Le livre V, lui, introduit le personnage de Sophie et évoque l’éducation des filles, le mariage, la vie de famille. L’Emile est aussi l’occasion pour Rousseau de développer ses idées sur la religion, notamment à travers La profession de foi du vicaire savoyard, une digression que l’on trouve dans le livre IV, où il prêche la religion naturelle et la morale de la conscience. Ce passage exprime le déisme de Rousseau, qui, devant l’existence de différentes religions, ne sait choisir la meilleure, et s’en remet à l’adoration de l’Être Suprême. Il rappelle ainsi qu’en matière d’adoration divine, « ce devoir est de toutes les religions, de tous les pays, de tous les hommes. Quant au culte extérieur, s’il doit être uniforme pour le bon ordre, c’est purement une affaire de police ». L’Emile eut un grand retentissement, non seulement sur les contemporains de Rousseau, dont certains se mirent même à élever leurs enfants selon ses principes, mais son influence s’est étendue aussi chez les théoriciens de la fin du XVIIIe siècle, voire sur la pédagogie moderne. L’Emile a été censuré dès sa parution en 1762. Un arrêt du Parlement le condamne, le 9 juin 1762, à « être brûlé ou lacéré ». L’archevêque de Paris exprime son accord avec le Parlement en août de la même année. On reproche notamment à l’ouvrage de « flatter les passions » et d’être « contraire à la foi et aux bonnes mœurs », notamment puisqu’il évoque une « religion naturelle ». Le manuscrit de l’Assemblée nationale Outre divers fragments (Bibliothèque de Neuchâtel) et une copie séparée de la Profession de foi du vicaire savoyard (Bibliothèque de Genève), il nous est resté trois manuscrits de l’Émile. Le plus ancien (le « manuscrit Favre ») est un brouillon encore partiel, le plus tardif est celui que Rousseau a communiqué à son imprimeur, Duchesne, par l’intermédiaire de Mme de Luxembourg. Ils sont conservés par la Bibliothèque de Genève. Mais Rousseau avait gardé une version intermédiaire, qu’il appelle parfois son brouillon : c’est cette copie que conserve la Bibliothèque de l’Assemblée Nationale. Ce manuscrit revêt un intérêt particulier. En voici quelques exemples extraits du livre III (première partie du second volume) :
On ne sait par quelles mains ce manuscrit est passé jusqu’à la Révolution française. On est en revanche mieux renseigné sur les conditions dans lesquelles il s’est retrouvé à la Bibliothèque de l’Assemblée nationale. Les procès verbaux du Comité d’instruction publique de la Convention et de sa Commission des arts sont clairs à cet égard. Le procès verbal de la séance du 1er floréal an II du CIP (20 avril 1794), rapporte une intervention (anonyme) de l’un de ses membres qui fait observer que Hérault de Séchelles – guillotiné le 16 germinal – possédait des manuscrits « de l’Émile et de l’Héloïse », et un portrait de Mme de Warens. Il est décidé que la commission des arts assurera leur transfert à la « Bibliothèque nationale ». Le 5 floréal, la Commission des arts délègue à sa « section de bibliographie » la mission de rechercher ces documents dans les papiers de Hérault ainsi que dans ceux de Lepeletier de Rosambo (exécuté deux jours plus tôt). Le 5 prairial, en effet, la Commission des arts fait état du dépôt des manuscrits et du portrait « à la bibliothèque du Comité d’instruction publique ». Le fait que la mention de cette entrée ne figure pas dans les archives du Comité n’a rien d’inhabituel : notoirement mal tenues dans cette période, elles omettent de nombreuses pièces dont on sait pourtant qu’elles s’y trouvaient. (Voir : Procès verbaux du Comité d’instruction publique édités par M-J. Guillaume, 1891-1907, en particulier son annexe « Les manuscrits de J.-J. Rousseau et le comité d’instruction publique », vol. VI, p. 929-945. Également : E. Coyecque et H. Debraye, Catalogue général des manuscrits des bibliothèques de France, Chambre des députés, 1907, p. 532-533). Il semblerait en outre que certaines additions à l’Emile évoquées par Lakanal dans un document datant de 1798, faisaient partie des cahiers remis par la citoyenne Mogurier à la Convention le 28 vendémiaire an III (19 octobre 1794). La trace de ces documents est perdue. Quelques particularités du manuscrit
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