Manuscrit de la Copie personnelle
                                                 de Jean-Jacques Rousseau

  
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           La Copie personnelle est un brouillon de La nouvelle Héloïse qui date de 1756 ou 1757. Invité par Mme d’Epinay, Jean - Jacques Rousseau s’installe à l’Ermitage, maison des champs dépendant du château de la Chevrette, au nord de Paris, non loin de Montmorency.

Au départ, ce brouillon devait être la version définitive de l’œuvre qui était destinée à être remise à son éditeur. En fait, en recopiant son premier manuscrit, Rousseau est pris de remords et il multiplie les corrections. In fine, cette copie n’est donc bien encore qu’une ébauche de La nouvelle Héloïse, en quelque sorte un second brouillon, et elle présente encore bon nombre de différences par rapport à la version ultime éditée en 1761.

La provenance des deux volumes qui sont ici numérisés et qui constituent la quatrième, la cinquième et la sixième partie de l’œuvre est la bibliothèque de l’ancien conventionnel Hérault de Séchelles. Celui-ci les avait achetés en Hollande. A sa mort, après qu’il eut été  guillotiné le 27 mars 1794, les manuscrits furent saisis par la Convention, pour faire un ensemble avec le Brouillon, et ils furent placés à la bibliothèque du Comité d’Instruction publique. Comme le Brouillon, ils seront reversés, en 1799, à la Bibliothèque du Corps législatif. 

On a l’impression, à la lecture de l’œuvre, que l’on est bien dans la dialectique de la « transparence et l’obstacle », chère à Jean Starobinski.

Au départ, dans le premier volume, c'est-à-dire la quatrième partie du texte, l’écriture est claire, il n’y a pas trop de corrections.

Puis, à mesure que l’on progresse, et notamment dans le second volume (cinquième et sixième partie), il y a de plus en plus d’ajouts et de biffures. Beaucoup d’ajouts en réalité. Cela s’explique par le fait qu’au moment où Rousseau recopie la Copie personnelle, il connaît également une vive activité créatrice. Il écrit en effet, en même temps, son Dictionnaire de la Musique, sa Lettre sur la Providence, adressée à Voltaire, l’Emile et le Contrat social. La nouvelle Héloïse apparaît ainsi comme une somme des idées, des sentiments et des rêves de Rousseau sur différentes questions. Le cadre très simple du roman lui permet d’aborder les sujets les plus divers, si bien que les grands thèmes de l’Emile ou du Contrat social se trouvent aussi esquissés dans de nombreuses pages de cette œuvre.

Par suite, les idées se multiplient dans la Copie personnelle et les rajouts aussi. Cependant, au début du second volume, les corrections restent encore assez propres. Les tables de corrections, sur les pages de gauche, sont méticuleuses et  précises et l’on voit que Rousseau a encore le souci de donner quelque chose de clair à l’éditeur.

A la fin de l’œuvre cependant, on a l’impression que Rousseau a abandonné cette idée et qu’il sait qu’il ne donnera plus le manuscrit à un éditeur, qu’il le gardera par devers lui. D’où le nom de Copie personnelle qui est finalement resté au document.

Notamment, après le mot « fin », on découvre encore six pages assez surprenantes et pas du tout « calibrées » pour une édition.

On a tout d’abord une première page, écrite dans le même sens que le corps du texte de La nouvelle Héloïse, à laquelle s’ajoutent quelques lignes, également dans le même sens, et rédigées en haut d’une seconde page. Cette page et ces quelques lignes n’ont rien à voir avec l’histoire développée dans le roman. En gros, il s’agit de quelques pensées sur le sens commun chez les enfants et sur le pendant de ce sens commun chez les animaux. Le texte n’est pas sans lien ni avec le début du Discours sur l’origine de l’inégalité (1754), ni avec l’Emile (1762).

Puis, suivent cinq pages à l’envers, c'est-à-dire rédigées depuis la fin du livre, en utilisant les pages blanches qui restaient et en retournant le volume. La cinquième page « à l’envers » rejoint les quelques lignes additionnelles qui complètent la première page écrite « à l’endroit » après le mot « fin ». Ici, Rousseau parle du sentiment de la nature et des voyages, en particulier à Naples (le philosophe mentionne la baie du Pausilippe) et en Prusse (il est mentionné un « hyver en Prusse »). Ces pages sont un premier jet du livre IV de l’Emile. En faisant allusion à la Prusse, peut-être Rousseau pense-t-il à sa jeunesse errante et à l’hiver 1730-1731 à Neuchâtel où il vécut de leçons particulières. A cette époque, en effet, Neuchâtel et la région du Val-Travers étaient des territoires qui appartenaient au Roi de Prusse.

Indépendamment de ces ajouts, le lecteur pourra encore observer les particularités suivantes dans le manuscrit :

            - En principe, en recopiant, Rousseau laisse des marges et conserve toujours les pages impaires en blanc ;

            - Cependant, l’auteur place assez souvent des étoiles qui renvoient à des notes en bas de page ou sur les pages de gauche ;

            - D’autre part, tous les renvois sur les pages de gauche ne sont pas écrits dans le même sens ; il y a des phrases qui ne se lisent qu’en plaçant le livre à l’horizontale ;

            - Il y a également, toujours sur les pages de gauche, des index de corrections destinés à l’éditeur ; ils sont, au départ, en nombre assez limité ; mais ils deviennent de plus en plus nombreux et de plus en plus complexes à mesure que l’on avance dans l’œuvre ;

            - Par ailleurs, il existe une double numérotation sur les pages de droite correspondant à la sixième partie de l’œuvre, dans le volume II, sans que l’on puisse affirmer que celle-ci est effectivement de la main de l’auteur ;

            - Il y a, à de nombreux endroits du manuscrit, insérés dans les marges, des couples de lettres majuscules (A-B, B-C, etc.) qui introduisent des repérages, sans pour autant que ces derniers coïncident, semble-t-il, avec des ajouts manuscrits ;

            - Outre les corrections à la plume, il y a quelques corrections apportées au crayon de papier dans les marges et sur un feuillet de petit format inséré entre les pages 40 et 41 du volume II ;

            - Enfin, on notera la présence d’un petit poème inédit de Jean-Jacques Rousseau, écrit à l’envers au verso  du dernier feuillet blanc de la cinquième partie, c'est-à-dire au verso de la page 130 (tome II) ; ce poème a été supprimé par Rousseau dans la version suivante de l’œuvre.     

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